La Hotte est une ferme isolée, située sur le territoire de Châtrices au sud de Sainte-Ménehould près de Villers-en-Argonne.
Cette ferme appartenait à l’abbaye de Châtrices, puis a été vendue à la Révolution ainsi que le moulin à eau attenant à la ferme. Depuis cinq générations elle est la propriété de la famille Notat-Méry. C’est une belle ferme de 150 hectares dont 20 d’étangs.
Elle était gérée jusqu’à maintenant en G.A.E.C. par Jean, Monique et leur fils Stéphane. L’heure de la retraite étant arrivée pour Jean et Monique, Stéphane va travailler seul.
Six étangs entourent la ferme. Pourquoi des étangs ? Pour faire une diversification suite aux quotas laitiers et à l’installation du fils. La ferme disposait d’un droit d’eau par rapport à l’ancien moulin. En Argonne, le sous-sol argileux s’y prête bien et l’eau ne manque pas.
C’est Jean qui s’occupe de la gestion des étangs. La pisciculture demande une surveillance toute l’année mais le gros travail se situe en automne quand a lieu la pêche. Ce travail demande une main d’œuvre importante.
Une quinzaine de jours avant la date fixée (date qui peut être reportée suivant la hauteur d’eau), on vide doucement l’étang en ouvrant le moine (système de vannage placé au plus bas de l’étang). Le poisson se trouve regroupé près du moine dans ce qui reste d’eau « la poêle ». C’est là qu’interviennent les pêcheurs. En tirant doucement, ils encerclent les poissons avec un filet, puis un pêcheur particulièrement habile les attrape avec une épuisette et les met dans des bassines qui sont remontées par une autre équipe. Leur contenu est versé sur les tables de tri.
Brochets, sandres, perches, carpes, tanches, gardons et même goujons (on en revoit depuis quelques années, les eaux étant moins polluées) sautent sur la table. C’est maintenant le travail des trieurs qui les séparent par catégorie et par taille. Après avoir été pesés, ceux qui sont vendus sont emmenés rapidement dans des véhicules spécialement aménagés. Les autres sont mis dans des bassins. Ils seront vendus plus tard ou serviront au rempoissonnement.
Que deviennent les poissons vendus ? Beaucoup vont à des sociétés de pêche locales, des comités d’entreprise, des fédérations départementales, des pisciculteurs et des revendeurs. Il n’y a pas de très gros poissons, les étangs étant pêchés régulièrement. La concentration d’oiseaux prédateurs comme les cormorans causent de graves préjudices.
Vous avez compris que les pêcheurs sont de fiers gaillards car tirer le filet, soulever l’épuisette, porter les bassines, trier le poisson n’est pas un travail de tout repos. Imaginez-vous pataugeant dans la boue ou attrapant les poissons par une température en dessous de zéro degré parfois ou sous la pluie ? Heureusement tout se passe dans la bonne humeur et se termine par un plantureux repas devant un bon feu de bois.
Un autre gros travail pour le pisciculteur, en mars-avril est la reproduction artificielle. C’est un travail délicat et qui demande beaucoup de surveillance. Il faut recueillir les œufs des femelles brochets et les mélanger à la laitance du mâle. Les œufs fécondés sont mis dans des bouteilles en verre. Ils sont alimentés par l’eau de l’étang. La température de l’eau a une grande importance. C’est très technique. Après la naissance, on garde ces petites choses qu’on appelle des « vésicules résorbés » pendant 8 à 10 jours dans des bacs. La nature fait son travail,
ils grossissent. On les répartit ensuite dans des zones inondées « des frayères ». Là, ils se nourrissent de plancton (le plancton est l’ensemble des organismes, en général très petits, végétaux et animaux, qui se développent dans l’eau). Au bout de 5 ou 6 semaines, ils mesurent en 6 et 8 centimètres. Les professionnels les appellent des « fingerling ». Ils sont vendus ou mis dans les étangs.
Dans certains étangs on pêche aussi des écrevisses que l’on retrouve sur la carte de nos restaurants. Madame Cappy a rassemblé dans un livre les recettes d’autrefois et celles de poissons sont nombreuses. En effet, nos grands-mères cuisinaient le brochet au court-bouillon ou au bleu, la carpe farcie ou en matelote, l’anguille à la tartare ou à la poulette, la perche nommée à juste raison « la perdrix des rivières », les goujons qu’elles faisaient frire après les avoir farinés.
Dans leur livre « Richesses naturelles de l’Argonne sud », édité sans doute dans les années 1990, André Gerdeaux et Michel Poncelet consacrent de nombreuses pages au « grand étang de Belval en Argonne ». Je reprends quelques passages de leur livre concernant la pêche.