L’assec : autrefois, systématiquement, l’étang était laissé à sec un ou deux ans de suite tous les quatre, cinqou dix ans. C’était ou bien une sorte de jachère labourée, ou bien une année pendant laquelle le sol de l’étang donnait une récolte d’avoine, de chanvre ou de pomme de terre. Le dépôt de matières organiques (la vase) se trouvait enfoui, ensuite les chaumes de la céréale récoltée, les reliquats des autres cultures fournissaient une fumure organique qui fertilisait l’étang. En dehors du fait que l’assec produisait une récolte, il était bénéfique à la pisciculture qui lui succédait.
Les débouchés : en 1612 la pêche de tous les étangs de la terre et seigneurie de Belval est louée à « un marchand poissonnier de Colmiers-en-Brie (Coulommiers) ». Un marchand de Châlons a loué tous les étangs pour 10 ans ; en 1699 c’est son second bail. En 1767, des marchands de Reims et de Châlons se partagent la pêche du grand étang.
Le poisson assez gros pour être commercialisé est emporté par des poissonniers jusqu’à Paris. Une petite quantité est vendue sur place, aux habitants du village et des environs.
Une autre est donnée au curé, aux moines, aux sœurs, etc.
Dans les mémoires concernant l’état présent de l’élection de Sainte-Ménehould en 1709, le subdélégué Mathieu écrit : « il y a aussi quantité d’étangs dont le poisson se consommait autrefois dans le païs, à Châlons et à Reims ; mais l’on a commencé depuis quelques années à le conduire à Paris, de telle sorte qu’il n’en reste que peu pour le païs ».
Depuis la fin des années 1960, le produit de beaucoup de pêches d’étang part pour la Belgique. D’autres pisciculteurs commercialisent la carpe principalement en Allemagne. Beaucoup d’habitants de l’Argonne des étangs possèdent (ou possédaient) des bacs, des auges où ils déposent (ou déposaient) les carpes achetées sur la chaussée de l’étang. Dans une eau renouvelée, elles « dégorgent » avant de passer dans le four de la cuisinière.
A chaque étang, il était attaché une coutume, un usage, une façon de faire en période de pêche. Lors de la pêche de l’étang d’Etoges, jusqu’à la seconde guerre mondiale, il était d’usage que le maire, le curé et l’instituteur de Belval reçoivent « leur carpe ».
Puisque je parlais de poissons, j’ai demandé à Jean-Claude Vigour, le président de la société de pêche « Le Barbeau » de Villers de nous dire comment se gère la pêche en rivière. Je le cite :
« Créée en 1949, cette société, administrativement dénommée »Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques" exerce ses responsabilités sous l’égide de la Préfecture de la Marne, de la DDT et de l’agence de l’eau. Ces organismes sont relayés par la Fédération nationale de la pêche. Voici la cadre dans lequel nous évoluons et travaillons administrativement.
Lors de l’assemblée générale, un conseil d’administration est élu par les pêcheurs pour une durée de 5 ans. Ce conseil élit à son tour un bureau et le président. Les recettes nécessaires au rempoissonnement, travaux et différentes manifestations proviennent des cotisations des pêcheurs. Ils sont les seuls utilisateurs des rivières à payer une taxe piscicole pour exercer leur loisir, celle-ci étant reversée aux agences de l’eau. A titre d’exemple, en 2012, 85 000 euros ont été apportés à ces agences par les cotisations des pêcheurs.
Parlons maintenant du loisir « pêche » et de sa diversité. La principale rivière de la société est l’Aisne. Elle prend sa source à quelques kilomètres, à Somaisne dans la Meuse, sous la forme d’un petit ru dans une pâture. Elle entre dans le département de la Marne à Senart, puis traverse une grande partie de l’Argonne jusqu’aux Ardennes. Tout au long de son trajet dans notre région, elle sera rejointe par divers affluents qui sont l’Evres, le Thabas, le Hardillon et l’Ante jusqu’à Verrières.
Les sinuosités de l’Aisne et de ses affluents offrent donc un parcours de 52 kilomètres à tous les pêcheurs attirés par la beauté de l’Argonne.
Parmi ces affluents, deux sont classés « rivières à truite » (1ère catégorie) et ont une réglementation spécifique. L’ensemble de ce linéaire est en réciprocité, ce qui signifie que tout pêcheur peut y accéder avec une carte de pêche.
Depuis 2012, dans le cadre du « Grenelle de l’environnement », l’Aisne est classée « Rivière anguille », ce qui engendre quelques contraintes supplémentaires.
Quelle est la population de nos rivières ? Celle-ci, après diverses pêches électriques a été estimée à environ 20 espèces, avec principalement le brochet, la carpe, le sandre, le silure, le gardon, le goujon, la truite, le vairon, la brème, la tanche, la perche et toutes les espèces faisant partie de cet environnement. Depuis quelques années, nous voyons apparaître des poissons qui étaient inconnus chez nous. La multiplication d’étangs sur toute la vallée fait partie pour une part de ces nouvelles apparitions car certains considèrent encore et toujours les rivières comme des dépotoirs. Le changement climatique, les oiseaux migrateurs sont aussi des raisons d’inquiétude pour les responsables des rivières. A tous les inconscients qui s’estiment seuls sur la terre, nous disons ATTENTION, la législation évolue et les cours d’eau sont une richesse collective de plus en plus protégée. La pollution des sols est suffisante pour affaiblir la qualité de l’eau, il est donc inutile d’en rajouter".
Je terminerai par une citation de Victor Hugo : « C’est une triste chose de savoir que la nature parle et que l’homme ne l’écoute pas ».