Si l’histoire a retenu essentiellement de Prosper Mérimée sa fameuse dictée en 1857 pour divertir la princesse Eugénie au château de Compiègne, n’oublions pas que c’est grâce à sa nomination en 1834, il y a tout juste 170 ans, que le patrimoine français lui doit beaucoup.
En effet à cette date, nommé inspecteur général des monuments historiques par Thiers, il fait recenser, sur l’ensemble du territoire français, les ensembles architecturaux remarquables et sensibilise l’opinion publique à les entretenir, à les faire restaurer par des fonds publics ou privés. Plus près de nous, André Malraux, Ministre de la Culture, relaie avec force cette orientation, mais aussi, faut-il savoir que ce n’est qu’en 1978 que la base Mérimée est créée. De nombreuses églises, de nombreux monuments, de nombreux objets en Argonne y font leur entrée.
1980, l’année du patrimoine nous assure une piqure de rappel pour nous dire qu’ils sont indissociables des paysages marqués par des siècles du travail de l’homme. Certes, cet inventaire a protégé l’essentiel mais qu’adviendra-t-il dans le futur de l’habitat traditionnel argonnais où se côtoient les maisons à colombage, en torchis, en gaize, en briques, avec toitures plates recouvertes de tuiles romaines, des splendides fermes rectangulaires fermées par des portes-rues surmontés de pigeonniers (souvent démontés pour l’accès des tracteurs), et des granges qui disparaissent à tour de bras ?
Même, reconnaissons le, la grande majorité des maisons particulières en Argonne ne sont pas des œuvres d’art. L’ensemble n’en demeure pas moins fort attachant et donne encore l’envie d’y vivre. De toute évidence, les constructions sont toutes respectueuses des matériaux locaux. Elles ne sont ni trop uniformes, ni trop différentes et s’intègrent parfaitement dans l’environnement. Cette cohésion crée sans aucun doute un style. Mais n’oublions pas que ce qui fait la beauté d’une maison, ce n’est pas sa richesse, ni ses ornements, ni ses extravagances, mais sa simplicité car elle se voit de l’extérieur et, de ce fait, elle appartient au cadre de vie des autres.
Alors, de grâce, n’abimons plus nos villages par la disparition des petits édifices publics, par le suppressions des fontaines par commodité, par la privatisation des usoirs (grillage, béton, macadam), par un fleurissement dans des vieux pneus de tracteurs, par la multiplication des couleurs insolentes, par l’implantation de matériel urbain surdimensionné, par l’abandon du matériel agricole obsolète devant un bâtiment délabré appelé autrefois, respectueusement, grange, des épaves de voitures, etc
Le paysage appartient à tous. Il est simple de voir, mais aujourd’hui nous devons réapprendre à regarder avant d’entreprendre, et, lorsque le développement d’un village reste harmonieux sans renoncer au progrès, nous devons ressentir la même joie que devant les belles peintures. Et, cerise sur le gâteau, j’ajouterai, pour nos villages, défendons l’usage de l’angélus et autorisons le coq à chanter.
Bonne lecture à tous du numéro 65.
Patrick Desingly, Président.