Je croyais en avoir terminé avec la race porcine quand je me suis rappelé que j’avais une vieille carte postale de Villers-en-Argonne représentant un porcher et ses cochons. De quand date-t-elle ? Fin du XIXème siècle ? Cette photo prouve que l’on élevait de nombreux porcs dans le village. On appelle les gens de Villers « les Babeurriers ». Le babeurre, c’est ce qui reste lorsque l’on a fait le beurre.
Peut-être faisait-on beaucoup de beurre à Villers nourrissait-on les porcs avec la babeurre ? Personne ne se souvient de ce temps. Et puis mes lectures m’ont amenée à un numéro d’« Horizons d’Argonne » édité par le Centre d’études argonnais en 1981 ? J’y ai lu un article de Mme Colette Méchin intitulé : « Saint Juvin, porcher d’Ardenne ».
Non loin de Grandpré, dans la vallée de l’Aire, le bourg de Saint-Juvin se tient sur sa colline, autour de sa très belle église fortifiée. Son nom lui vient du saint qui trône en bonne place dans l’édifice, sous forme d’une statue en pierre polychrome, que l’on pense du XVIème siècle. Sa petite trompe en corne qui lui pend à la ceinture, et surtout la présence de plusieurs animaux à ses pieds (des porcs ou des sangliers ?) viennent rappeler qu’il s’agit d’un saint porcher qui fut invoqué pour protéger les cochons.
Vie et légende
On situe sa naissance au Xème siècle, à l’époque de Marc, comte de Dormais, au service duquel Juvin était porcher.
« Comme une fois il gardait ses pourceaux en la campagne, dit la chronique de Dom Ganneron en 1636, Dieu lui fit voir quelque lieu sis sur la rivière d’Aisne et lui
révéla qu’il devait être quelque jour inhumé au même lieu, et qu’on y bâtirait une église. C’est pourquoi ce saint pasteur de pourceaux, ayant laissé son troupeau entre les mains et sous la protection divine, s’y en courut incontinent et ayant bien balayé la place commença d’y bâtir un petit oratoire. »
Ses compagnons, malveillants, vont le dénoncer au comte. Celui-ci vient rendre visite au saint et se fâche : « Ha, mauvais Juvin ! Où sont tes pourceaux que je t’ai donnés en garde ? Il n’en est resté pas un seul d’un si grand nombre qu’il y avait ! » mais comme ce saint se fut mis en prières, voilà un si grand nombre de porcs qui se présentèrent aux yeux du comte qu’il croyait que la moitié n’était pas à lui. Et comme il était étonné d’une telle merveille, saint Juvin lui dit : « Je prie Notre Seigneur de vous donner quelque signal s’il n’approuve pas le service que je veux lui rendre », et ayant fiché son bâton en terre, il se mit en prières, et aussitôt on vit ce bâton prendre racine et jeter rameaux et feuilles et avec le temps devint un des plus puissants arbres de toute la contrée et demeura sur pied pendant des siècles.
Toujours dans son article, Mme Méchin cite Mérac qui, dans son livre « Légende dorée des Ardennes » raconte : « Saint Oricle qui vivait au temps des invasions germaines était curé de Senuc et avait Juvin pour disciple. Dans un voyage qu’ils firent ensemble, ils arrivèrent sur les bords de l’Aisne qu’il leur fallut traverser pour continuer leur route et ils passèrent la rivière à gué. Mais il faut vous dire aussi qu’Oricule et Basilique, les deux sœurs de saint Oricle, étaient du voyage ; et comme elles furent obligées de relever leur robe pour entrer dans l’eau, Juvin qui marchait derrière elles s’écria, ne pouvant retenir son admiration : »Oricle ! Oricle ! Oh que tes sœurs ont de belles cuisses !« Fort irrité, comme on le pense bien, de cette remarque,
Oricle admonesta sévèrement son disciple : »Juvin ! Juvin ! Voici que tu entres en tentation et que tu te laisses aller à des désirs coupables () pour te punir, je te condamne à garder les cochons toute ta vie." Et, depuis ce moment jusqu’à sa mort, Juvin garda les cochons dans la forêt d’Argonne.
Pour en savoir plus, je vous invite à aller sur le site internet de Mme Colette Méchin, chercheur au CNRS en anthropologie à l’université de Strasbourg.
Les habitants de notre région aimaient avoir leurs saints argonnais, mais le saint de tous les porchers est saint Antoine le Grand, né vers 251, qui, à l’âge de dix-huit ans, se retira dans le désert d’Egypte. Il fonda des monastères et devint le père d’une multitude de religieux. C’est à saint Antoine, le premier des Abbés, que remonte l’institution de la vie monastique en commun (source internet).
Nicole Gérardot
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Après le café du Nord, c’est l’emplacement du café de l’Est qui posait problème (N°65). Il semblerait qu’il y ait eu une inversion sur la situation exacte de ces deux cafés. En effet, après quelques recherches, c’est bien le café de l’Est qui a été installé au coin de la rue des rondes (face à la gendarmerie). Par contre, pour les tenanciers, j’ai retrouvé Priou-Royer, alors que sur la photo, en haut de la porte sont inscrits les noms de Maréchal-Mahut. Il y aurait donc eu un changement de propriétaire.
Un autre café aujourd’hui disparu, au 16 rue Florion.