Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Le temps des processions : Rogations et Fête-Dieu.

   par Nicole Gérardot



« Les Rogations » est l’appellation chrétienne des trois jours qui précèdent l’Ascension, quarante jours après Pâques. Elles donnaient lieu à des processions extérieures pour la bénédiction des campagnes. Le prêtre récitait la litanie des Saints. La foule répondait : « Ora pro nobis » et bénissait les champs et les prés. En général, le lundi était pour les fenaisons, le mardi pour les moissons et le mercredi pour les vendanges.
Peu de souvenirs de cette cérémonie car cette coutume a dû disparaître chez nous dans les années cinquante ? Dans son livre « Contes rustiques et folklore de l’Argonne », l’abbé Lallement ne les mentionne pas.

Par contre la « Fête Dieu », aujourd’hui appelée fête du Saint Sacrement, placée dix jours après la Pentecôte, le jeudi qui suit le dimanche de la Trinité a laissé de nombreux souvenirs. « C’était une belle cérémonie ! », « Il y avait plusieurs reposoirs dans le village ! », « On allait chercher des branchages dans la forêt ! », « Je me souviens, j’étais enfant de chœur, j’ai même porté l’encensoir ! », « On coupait les pivoines et les roses du jardin ! », « Ma mère m’avait fait des nattes et m’avait mis une jolie barrette dans les cheveux ! », « Chez nous, il n’y avait pas beaucoup de fleurs dans le jardin car ma grand-mère préférait cultiver des légumes, mais on allait cueillir des fleurs dans les prés ! », « Toutes les petites filles avaient une jolie corbeille pendue à leur cou remplie de pétales de fleurs qu’elles jetaient ! », « On faisait de gros bouquets qui décoraient le reposoir ! », « Il y en avait toujours un dans le porte-rue de Mme Boltinoz ! », « On mettait aussi de grands cierges et des statues ! », « Tous les ans ma grand-mère décrochait une image pieuse suspendue au-dessus de son lit et la posait au milieu des fleurs ! ». Ce sont les mêmes souvenirs des reposoirs, ces autels d’un jour, disposés à différents endroits du village et richement décorés qui reviennent.
La Fête-Dieu donnait lieu à des processions dans les rues. Une foule nombreuse entourait le prêtre qui portait l’ostensoir contenant l’hostie sacrée. Parvenu à un reposoir, le curé le déposait sur l’autel improvisé. Les prières se succédaient, puis le cortège reprenait son chemin jusqu’au prochain reposoir avant le retour à l’église.
Cette coutume a peu à peu disparu dans nos villages. Elle perdure encore dans certaines régions et certains pays. Dans son livre « Deux instituteurs en 1900 », Mme Procureur décrit bien la cérémonie. Nous sommes à Verrières. Au village, il y a deux écoles : l’école publique, que certains appelaient aussi l’école du diable et l’école libre. Les dissensions entre les villageois sont nombreuses.
« A chaque Fête-Dieu, la »Titine« avait l’habitude de faire un reposoir devant sa porte. Elle en ornait la façade de branchages piquetés de fleurs naturelles et artificielles. Des petites filles habillées de tarlatane blanche et bleue, la tête ceinte d’une auréole et des ailes dans le dos, figuraient des anges. La »Titine« choisissait aussi bien des fillettes de la »libre« que de la »laïque« . C’était tout simplement ses petites voisines. Mais malgré la croix et la Vierge, son reposoir fut excommunié ! La procession parcourait les rues et devait s’arrêter à chaque reposoir, le bénir et chanter des cantiques. Devant le sien, elle ne s’arrêta pas. »
Je revois ce long cortège ondulant par la grand-rue. Les gamines de l’école libre habillées en communiantes, tenaient la tête, la bannière déployée. Elles jetaient des pétales de fleurs puisées dans de jolies corbeilles blanches toutes enrubannées. Suivait le prêtre, sous le dais blanc frangé d’or porté par quatre enfants de chœur. Un autre enfant portait la croix et un autre encore l’encensoir. Les demoiselles suivaient, arborant leur plus belle toilette. Donc la procession allait. Derrière les demoiselles venaient les femmes dont étaient accompagnées de leur mari, chapeau à la main. Les vieilles matrones suivaient péniblement, boitillaient, jacassaient et le cortège allait s’effilochant. Les vieilles coupaient par « la rieule », la ruelle du Louis Jacquot, pour arriver plus vite dans la fraîcheur de l’église embaumée de lys.
On n’était d’ailleurs pas plus tolérant chez les laïcs, car, toujours dans ses souvenirs, Mme Procureur raconte avoir reçu « une correction magistrale » parce qu’elle avait accompagné une voisine à l’église lors d’une procession malgré l’interdiction de son père.
Pour terminer, voici une anecdote amusante que m’a racontée un ancien Ménéhildien. Dans les années cinquante, quand une procession passait rue de la Libération, un couple de communistes convaincus sortaient de chez eux et chantaient « l’Internationale ».
Nicole Gérardot

Photos anciennes des familles Pattier et Hussenet de Verrières


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