C’est son rôle primordial dans « l’affaire de Varennes » qui projette Drouet dans l’histoire de France et en fait un personnage emblématique. Ne sera-t-il pas surnommé « le régicide » ? Cet événement qui amorce la déchéance de la royauté et la fin funeste de Louis XVI fut et reste diversement apprécié : les tenants de l’ancien régime hier, aujourd’hui ceux qui n’ont pas pour la Révolution un amour démesuré en font un drame Lenôtre : [1] , une tragédie [2] . On trouvera plus de mesure chez les historiens qui adoptent une démarche sereine et donc des qualificatifs plus mesurés [3] .
On retrouve la même diversité lorsqu’il s’agit de cerner la personnalité de Drouet. Déjà quant à son physique, certains lui prêtent un regard torve, une physionomie fermée qui dissimulerait mal sa fourberie. Il faut lire les mémoires du comte Axel de Fersen, l’amant supposé de Marie Antoinette, pour s’en faire une idée plus juste. Il narre l’entrevue qu’il eut avec le prisonnier enchaîné à Bruxelles (les émigrés défilaient pour voir le monstre qui avait scellé le sort de la royauté). Eh bien il écrit : « C’est un bel homme que j’ai devant moi. »
On peut ne pas s’attarder sur ceux qui ont voulu en faire un paysan [4] , une brute, un homme du commun propulsé dans l’histoire par un pur hasard. En effet, ses études au collège de Châlons lui avaient permis d’asseoir une solide culture qu’il saura développer. Elle imprègne les textes qui restituent ses propos, qu’il s’agisse du conventionnel ou du Sous-Préfet de Sainte Ménehould.
Par contre, il semble plus intéressant de s’attarder sur une caractéristique qui apparaît d’une façon récurrente dans les études qui s’intéressent à notre maître de poste. N’était-il pas un hâbleur, un vantard ? Cette « accusation » s’appuie sur différents éléments de sa vie que nous allons évoquer dans l’ordre chronologique.
L’arrestation du roi.
Là comme toujours, il faut se référer aux textes. Parfois on l’accuse d’avoir minoré le rôle du sieur Guillaume qui l’accompagnait dans cette équipée. Dans son récit à l’Assemblée Nationale du 24 juin 1791, il précise qu’il était « accompagné du sieur Guillaume », il reprend là la même formulation que la déclaration des municipalités de Sainte Ménehould et de Varennes. Drouet était un bourgeois hardi, responsable d’une fonction importante, reconnu dans la cité comme une personnalité marquante ouverte aux idées de la Révolution. La suite de sa vie démontrera qu’il possède de grandes qualités qui le maintiendront durablement sur l’avant-scène politique. Guillaume est un modeste employé qui ne prend aucune initiative lors de cette fameuse nuit, et la suite de sa vie montrera bien que c’était un modeste.
Si, sur ce point, rien ne peut être reproché à Drouet, on peut pourtant être gêné par un point de la déclaration de Drouet devant l’Assemblée. Laissons-lui la parole :
« Je laissais partir les voitures, mais voyant aussitôt les dragons prêts à monter à cheval et à se mettre en route pour les suivre, je courus au corps de garde, je fis battre la générale, et, sur mes propositions, on prit des mesures telles qu’on parvint à empêcher le départ des dragons. Alors, me croyant suffisamment convaincu, je me mis à la poursuite des voitures »
Si on confronte ce texte avec le document rédigé par la municipalité de Sainte Ménehould, il apparaît que Drouet tire la couverture à lui et se donne un rôle qui n’a pu être le sien. C’est la municipalité, bien entendu, qui, il est vrai, sous la pression des habitants et de Drouet, prend la décision de désarmer les dragons et de les mettre au sûr dans la prison.
De même, Drouet ne part pas de son propre chef sur les traces de la berline royale, mais c’est la municipalité qui « charge de cette mission le sieur Drouet qui se fait accompagner du sieur Guillaume. »
Là, sans contestation, Drouet, enivré par la brutale renommée qui lui tombe sur les épaules, propulsé devant l’Assemblée Nationale, s’est laissé entraîner à broder un peu pour renforcer son rôle dans ces évènements.
La capture de Drouet.
« Le héros de Varennes », nommé par ses concitoyens député de la Marne à la convention, s’est vu envoyé en mission, en septembre 1793. Bloqué dans Maubeuge dès son arrivée, il est édifié par la gravité de la situation. Il décide de traverser les lignes ennemies afin de donner à la convention un rapport précis. Il échoue.