Connaissance du Patrimoine Culturel Local
Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne
Edition régulière d'un bulletin traitant de l'histoire, des coutumes et de l'actualité.


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Jean-Baptiste DROUET a-t-il été toujours sincère ?

   par François Duboisy



Cela permet à Jean-Pierre Perrin, dans un livre, « La machination », dont j’ai pu dire de vive voix à l’auteur l’indignation qu’il m’inspire, de présenter Drouet comme un maladroit, si ce n’est un poltron. Pour se faire une idée honnête de cet événement, on possède deux documents : « Le récit de sa capture » qu’il fit après sa remise en liberté, mais aussi celui de l’officier autrichien qui l’arrêta, Ferdinand de Stetten. Le récit auto-biographique de Drouet et celui de son adversaire sont tout à fait concordants. Laissons la parole à ce dernier : « Drouet s’avance avec prudence à la tête d’une soixantaine de soldats. Etant descendu de cheval, il se heurte à une reconnaissance ennemie, il remonte lestement à cheval et lance le cri »A moi ! les Autrichiens !« . Il décharge son pistolet sur l’auteur du récit et attaque la troupe avec beaucoup de violence pour se frayer un passage. Après une vive résistance, les dragons, vaincus par le nombre, furent dispersés ou désarmés et leur chef fut fait prisonnier. »

Drouet ne démentit pas, dans la circonstance, la légende de bravoure et d’indomptable énergie qui s’est attachée à son nom et qui se confirmera tout au long de sa captivité et la sincérité de son récit est confirmée.

Drouet et son parachute.

Rappelons les faits. Prisonnier, chargé de chaînes, il séjourne quelque temps à Bruxelles. C’est là qu’il rencontre Fersen, à Coblence ce sera le défilé des émigrés. Dans ces circonstances, il fait front avec fermeté, revendiquant la responsabilité de son acte. Puis le voici, en septembre, au Spielberg en Moravie, citadelle située en périphérie de Brno [5] , où il est enfermé au secret, sans pouvoir écrire ni sortir. C’est de ce nid d’aigle qu’il tente de s’évader en se lançant dans le vide avec un parachute. Revenu en France, il rédigea un long rapport très précis relatant son exploit. Limitons-nous à relever quelques éléments.

- L’armature de l’engin volant fut réalisée à l’aide de brins de bois, le fil de ses bas et de son bonnet, tressé, devint cordelette et les draps de son lit toile. Ainsi fut réalisé la machine aérienne qui ne lui fut pas d’un grand secours. Après quelques essais fructueux pour des sauts du haut d’une corniche, il s’élança, dans la nuit du 5 au 6 juillet 1794, dans l’aventure. Pensant que le parachute, qui s’était montré efficace pour un saut de 8 pieds, résisterait encore mieux « en plein air » pour un saut de deux cents pieds, il se lança donc dans le vide, après une course rapide, lourdement chargé. La chute fut brutale, le parachute se montrant inopérant. Drouet se fractura la cheville sur le sol (il en garda une claudication tout le reste de sa vie). Les gardes qui furent effrayés par le bruit de la chute ne le récupérèrent que le lendemain matin et le reconduisirent à sa cellule. Il y resta jusqu’au 13 novembre 1795.
Cette narration a pu paraître rocambolesque à certains, si ce n’est invraisemblable. Reprenons les éléments qui peuvent étonner et laisser interrogatif.
Anachronisme : Un parachute en 1793 ! Eh oui, déjà dans l’antiquité et dans la culture chinoise, on mentionne des sauts freinés à l’aide de dispositifs comprenant toile et armature. Louis-Sébastien Lenormand invente le terme « parachute » lorsque, le 26 décembre 1783, onze ans avant Drouet, il saute de l’observatoire de Montpellier. Les révolutionnaires se passionnent pour les sciences et le député Drouet à Paris, s’imprègne de la passion pour le vol de ballons que l’on se propose d’utiliser dans les conflits. Ce saut est donc bien dans l’air du temps.
Quant à la fabrication du parachute, il est bon de rappeler qu’un maître de poste se doit d’exercer divers métiers annexes : paysan pour nourrir les chevaux, bourrelier pour entretenir et réparer les harnachements. On ne doit pas s’étonner que Drouet qui est un homme ingénieux, ait su transformer une arête de carpe en aiguille et assembler sa machine volante.

Notes

[5Brünn, en allemand, Brna en tchèque.

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