L’Argonne, qui a déjà une faible densité de population, perd des habitants chaque année. Dominique Delacour a voulu entrer dans l’imaginaire : et si l’Argonne était aussi peuplée qu’un pays à forte densité comme la bande de Gaza par exemple. Etonnant
- - - - - - - - - - - - - - - -
Pour commencer, intéressons-nous à notre environnement proche ; par exemple la population et le nombre d’habitants au km2 du canton de Givry-en-Argonne. Ensuite nous allons pouvoir comparer avec des situations extrêmes, en particulier l’une d’entre elles. Les chiffres obtenus vont surprendre au-delà de l’imaginable.
Dans la Marne la densité la plus faible de population est celle du canton de Sompuis, en tête si l’on peut dire, avec ses 7,12 habitants au km2 [1]. :
. Cette très faible densité se trouve dans une région agricole prospère où tout le sol est cultivé avec quelques zones boisées du camp militaire de Mailly.
Ces très faibles densités se retrouvent en Champagne crayeuse en dehors des vallées des cours d’eau importants et dans les zones boisées dont l’Argonne.
La densité dans le canton de Givry est de 9,288 habitants au km2. Il y a 23 communes d’une superficie de 343,95 km2. La population est de 3174 h [2].. Dans ce canton, trois zones naturelles sont représentées. Les dix villages de la zone Argonne boisée (en gras dans la liste ci-contre) ont une densité de 11,2 hab. au km2. Par contre les 13 villages des zones vallage et champagne crayeuse atteignent péniblement 8 hab. au km2.
Maintenant prenons une situation avec des densités de population extrêmes : La bande de Gaza, territoire palestinien situé entre la Méditerranée et Israël est comparable au canton de Givry-en-Argonne, mais simplement en ce qui concerne sa superficie : 363 km2 soit 19,05 de plus. La ressemblance s’arrête là car dans ce pays vivent 1 389 789 habitants (2) soit une densité de 3828,6 hab. au km2, c’est énorme !
Pour se donner une idée d’une telle densité ramenée au canton de Givry, le tableau ci-contre donne la population qu’aurait chaque village avec la densité de population de Gaza. Les chiffres obtenus apportent la réponse et le vertige !
Quelques constatations étonnantes :
- Les 3174 habitants du canton de Givry, avec la densité de population de Gaza, n’auraient besoin que de 0,83 km2 soit 83 hectares ou un terrain de 911mx911m.
- La population de Champagne Ardenne est de 1 335 923 habitants [3]. dans 25 606 km2 soit 52,17 hab. au km2. Avec la densité de la bande de Gaza, la population de notre désormais « ancienne région » tiendrait presqu’entièrement dans le canton de Givry à 5km2 près. Ces chiffres permettent de se faire une idée des densités extrêmes de population.
- On peut même ajouter : avec la densité de Gaza, la Champagne Ardenne aurait 98 035 131 habitants. Ce chiffre d’une telle importance n’aurait certainement pas fait rêver les responsables d’avant 2016, pourtant agacés de voir les statistiques annuelles annoncer une baisse de la population de la région tous les ans, seule région dans ce cas en France.
En gras : les villages d’Argonne.
Quelques chiffres en 2015 :
Lieu |
Surface |
Population |
Habitants au km2 |
Bande de Gaza |
363 |
1 389 789 |
3828 |
Champagne Ardenne |
25606 |
1 335 923 |
52,17 |
Canton de Givry |
343,95 |
3174 |
9,288 |


Quand le rêve et la réalité ne prennent pas la même direction
Voyons maintenant le comportement de responsables suivant les cas de figure, en ce qui concerne la démographie et ses prévisions.
- 1 : En 2010, un article du journal « L’Union » sur l’évolution de la démographie en Champagne-Ardenne pour les 30 années à venir, c’est à dire à l’horizon 2040, indique que l’INSEE prévoit 2% de baisse de la population au final [4]. Cette prévision a fait bondir des responsables régionaux. Puis, dans les années après 2010, cette région est indiquée être la seule à perdre des habitants et chaque publication de ce genre en début d’année entraîne une levée de boucliers mettant en cause ce constat pourtant bien réel. Perdre des habitants est donc très mal vécu.
- 2 : Par contre, un livre blanc élaboré par l’élite départementale marnaise, riche de plus de 20 personnalités en 1969 et 1970 table sur une forte hausse de la population de Châlons-sur-Marne et de son environnement proche. Il est destiné à prévoir les investissements et aménagements nécessaires jusqu’en 2010, c’est à dire une période de 40 années. Gouverner c’est prévoir et c’est louable.
Mais les prévisions ont reposé essentiellement, voire totalement, sur un rythme d’accroissement de la population de Châlons de 2,65% annuelle de 1946 à 1968, tenant compte de l’accélération de 1962 à 1968 à 3,3% annuelle [5]. Les conclusions ont prévu 215 000 habitants en 2010 pour le district de Châlons, c’est à dire la ville et 67 villages aux alentours [6]. Car, en définitive, le taux de croissance retenu va atteindre 3,5 % annuellement [7]..
Voici les résultats. En 1969, ce district compte 71 662 habitants [8]. mais au lieu d’atteindre les 215 000 habitants en 2010, il plafonne simplement à 82 788 hab. en 2010 [9] et la ville de Châlons, d’un peu plus de 50 000 hab. au départ, perd environ 5 000 hab. pendant ce temps alors qu’elle devait atteindre 200 000 hab. en 2010. En continuant sur cette prévision de 3,5 % de croissance annuelle, ce serait même intéressant de calculer l’année où Châlons aurait été la plus peuplée de la France, pourquoi pas !
Cela pose le bien fondé de certaines prévisions, à long terme qui plus est, et de la façon dont elles sont réalisées. Et si les décideurs étaient responsabilisés, y compris financièrement en positif ou en négatif suite aux conséquences des résultats finals, les solutions et les chiffres proposés seraient-ils les mêmes ? En outre, pour être témoin de ses propres prévisions 40 ans plus tard, il vaut mieux ne pas être d’un âge trop avancé au départ.
Dominique Delacour
-Remerciements : Dominique Bourelle pour le tableau et Serge Franc pour les cartes.